¤ La Germanie

Seul un Germain peut vraiment comprendre la Germanie, dit-on. Sauvage, ce pays serait sans nul doute le plus inhospitalier et le plus étrange aux yeux d'un homme élevé dans le Yûrai, l'Hassling ou à Selvya. En comparaison des autres contrées, la Germanie est vraiment différente, bien plus qu'on n'ose le prétendre. De vastes et impénétrables forêts,des montagnes menaçantes où des peuples arriérés et perfides gardent jalousement des cols funestes à quiconque aurait l'impudence de s'y aventurer là, des tempêtes de froid au nord et d'insupportables bouffées de chaleur au sud, des serpents et des scorpions géants, une nourriture fortement épicée, des poisons, des châteaux faits de pierre et de boue, des marais interminables, des légumes et des fruits insipides - voilà précisément tout ce que les peuples océaniens savent de la grande Germanie. Tout ceci existe, bien entendu, mais cette vieille nation arrosée par le sang de ses fils et filles recèlent de bien d'autres choses. La disposition du pays, et les maigres denrées alimentaires que prodigue sa terre, incite naturellement ses habitants aux entreprises grandioses et aux razzias sanglantes. Les montagnes septentrionales ont longtemps tenu la Germanie à l'écart du monde nordique, bien que les dangereuses créatures qui y vivent et le climat d'insécurité permanent ont également joué leur rôle. Derrière ce rempart montagneux, un immense espace forestier occupe plus des trois quarts du pays. La longue côte sud de la Germanie n'est guère plus hospitalière, étant pour l'essentiel un enchevêtrement de récifs et de rocs, avec peu de mouillages protégés. Les navires qui font escale là-bas, par choix, par hasard ou par nécessité, ont peu de recours : aucune forêt sur la côte pour se réapprovisionner en bois, peu de gibiers, de rares fermes et encore moins de villages où se procurer des vivres. L'eau douce est difficile à trouver, et les mers au sud, constellées de typhons, sont infestées de requins, de krakens et de léviathans.